Crédits : gous.lail

ITV de Vincent Pion

Bouteille à la mer

Je m’appelle Vincent Pion, j’ai 57 ans, je suis journaliste de profession, bourguignon d’origine, réunionnais de coeur et oenophile depuis toujours ou presque. Il y a cinq ans, j’ai opéré une reconversion professionnelle en quittant le Quotidien de La Réunion après 22 ans, afin de faire de ma passion pour le vin un nouveau métier : marchand de vins indépendant et passeur de terroirs.

POUVEZ-VOUS NOUS DONNER DES PRÉCISIONS SUR CE MÉTIER DE MARCHAND DE VINS INDÉPENDANT ?

Un marchand de vins indépendant distribue ses sélections auprès des particuliers, des restaurateurs ou des cavistes sans avoir de magasin. L’idée d’être sédentaire derrière une caisse enregistreuse n’était pas spécialement pour me plaire. Je ne regrette donc pas ce choix qui me laisse une grande liberté d’action sur un terrain qui va de Saint-Joseph à La Possession. Un terrain qui s’étend également aux grands événements culturels de La Réunion. Pendant 13 ans, j’ai tenu la rubrique culture du Quotidien de La Réunion et il m’a semblé naturel de proposer aux organisateurs de ces grands événements du calendrier culturel, de marier vin et culture et d’améliorer ainsi le confort des festivaliers.

Raison pour laquelle on peut retrouver depuis quelques années des vins de Bouteilles à la mer sur les site du Sakifo, des Francofolies de La Réunion, du Leu Tempo Festival ou de Réunion Métis.

LA VITICULTURE EST-ELLE BIEN PRÉSENTE À LA RÉUNION ?

Pas assez à mon avis. Jusqu’à l’arrivée d’Olivier Cadarbacasse à la tête du chai de Cilaos, la viticulture était cantonnée à un cirque trop morcelé et parcellaire pour aboutir à une production homogène. De plus l’altitude à Cilaos implique des maturités de raisin qui arrivent sur le tard, en pleine saison cyclonique. Olivier a eu l’excellente idée de planter avec des cépages adaptés une parcelle à mi-hauteur dans l’ouest qui devrait permettre de vérifier si notre île peut offrir à la vigne un de ces effets de terroir si démonstratifs quand il s’agit de vanille, de letchis, de mangues et de tant d’autres productions agricoles pays. Quand on voit la qualité des vins issus de terroirs volcaniques de par le monde (Alsace, Auvergne, Grèce, Canaries etc.), on peut même y voir une piste d’avenir quand le temps sera venu de tourner le dos à la canne à sucre.

QUEL EST LA PLACE DU VIN À LA RÉUNION ? LES RÉUNIONNAIS ONT-ILS LE PALET FIN ?

Les amateurs réunionnais ont bien entendu le palais aussi fin que n’importe quels autres amoureux du vin. La Réunion, comme pour beaucoup d’autres choses, a largement comblé son retard ces vingt dernières années avec une offre qui s’est démultipliée. On compte aujourd’hui près de quatre-vingt dix cavistes dans l’île, la grande distribution a fait de gros efforts tant dans ses approvisionnement qu’en terme de présentation… Les Réunionnais de souche ou non ont donc aujourd’hui une carte des vins impressionnante à disposition. Et ceci se voit également dans l’élargissement de la gamme que proposent les restaurateurs. La mention complémentaire sommellerie proposée à La Réunion par la petite Ecole du Vin de Cyrille Camilli depuis plusieurs années, accompagne également largement ce développement du vin dans la restauration, en formant des sommeliers aptes à favoriser cet élan.

QUELS SONT LES VINS QUI ONT MARQUÉ CETTE ANNÉE 2022 ?

Difficile de choisir ! Beaunois d’origine, mes coups de coeur sont souvent bourguignons, mais pas forcément en direction des grandes étiquettes. Je suis vraiment fan des hautes- Côtes de Beaune blanc et rouge de Boris Champy. Mais je me suis régalé aussi avec le pinot noir Clos du Sonnenbach du domaine Barthel en Alsace. En fait, le niveau monte dans tous les vignobles avec des pratiques beaucoup plus propres et un interventionnisme réduit à sa portion congrue. C’est ce qui permet de produire des vins plaisants, digestes, gourmand. Et c’est ce que j’aime d’une manière générale dans les vins que je propose : le fruit, la fraîcheur, l’énergie. Des vins qui ne « ragoulent » pas, mais qui laissent parfois penser qu’on a un trou dans son verre.

QUELS VINS CONSEILLEZ-VOUS POUR ACCOMPAGNER NOS REPAS DE FÊTES ?

Le goût des uns n’est pas forcément le goût des autres. Chacun son palais. Personnellement, vue la saison et la hausse du thermomètre, j’opterai pour des vins légers et gourmands. Gamay du beaujolais ou pinot noir bourguignon pour les rouges. Sauvignon de Loire ou chardonnay du chablisien pour les blancs.

LE VIN BLANC POUR LE POISSON ET LE VIN ROUGE POUR LA VIANDE ? CES IDÉES REÇUES SONT-ELLES TOUJOURS D’ACTUALITÉ ?

Comme toute les idées reçues, ces réflexes peuvent être dépassés. L’esprit des accords mets et vins évolue au fil des décennies. Et puis cela dépend si on veut accompagner ou trancher. Je conseille souvent des cépages rouges légers sur les poissons, ou des blancs sur les viandes blanches notamment. En chaque chose, il est toujours bon d’avoir l’esprit de découverte et de sortir de sa zone de confort ! Le blanc est ainsi très souvent le meilleur ami des fromages contrairement à ce qu’on pratique souvent par simple habitude. Essayez un Côtes du Jura en chardonnay sur un comté 24 mois ou un Côte de Gascogne en gros et petit manseng sur un roquefort et vous m’en direz des nouvelles !

LE VIN BIO EST-IL MEILLEUR POUR LA SANTÉ ?

C’est une évidence. La viticulture a longtemps abusé de toute l’armada chimique de la « révolution verte ». Herbicides, fongicides, pesticides dans les vignes ; levures exogènes, additifs dans les chais… Aujourd’hui toute une génération de vignerons tournent le dos à ces pratiques inutiles, onéreuses et suicidaires. La vertu et le bon sens paysan sont de retour dans d’innombrables domaines et il appartient à chacun de nous de participer à ce coup de frein à main en choisissant de préférence des vins bios, biodynamiques ou nature qui respectent notre santé et celle de la terre. Il faut, autant que faire se peut, manger et boire sainement, cela va de soi.